En
France, les principales juridictions compétentes en matière
commerciale sont les tribunaux de commerce. Ils ont la particularité d'être
constitués uniquement de juges non professionnels, les juges
consulaires, qui sont élus par leurs pairs et exercent bénévolement
leurs fonctions.
Il existe également, dans les tribunaux de grande instance des départements
du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, des chambres commerciales
-survivance du droit allemand- et, dans les départements d'outre-mer,
des tribunaux mixtes. Ces chambres et tribunaux sont composés d'un
magistrat du tribunal et de deux juges élus dans les mêmes conditions
que ceux des tribunaux de commerce. Enfin, dans les circonscriptions du
territoire métropolitain où il n'existe pas de tribunal de commerce,
ce sont les tribunaux de grande instance qui traitent des problèmes
commerciaux.
La législation actuelle attribue aux tribunaux de commerce français le
règlement des litiges entre commerçants ou concernant des actes de
commerce. Ces tribunaux ont également une compétence exclusive dans la
prévention et le traitement des difficultés des entreprises. Par
ailleurs, le greffe du tribunal de commerce tient à jour le registre du
commerce, qui a été conçu pour réunir et diffuser des renseignements
concernant les commerçants, particuliers ou sociétés.
Dans la perspective de la réforme des tribunaux de commerce, il a paru
intéressant d'examiner quelles étaient, dans les principaux pays européens
(l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, la Belgique, l'Espagne
et l'Italie), les juridictions spécialisées en matière commerciale.
Compte tenu des compétences des tribunaux de commerce français, on a
également analysé le rôle des tribunaux étrangers dans la prévention
et le traitement des difficultés des entreprises, ainsi que dans la
tenue du registre du commerce.
Cette étude permet de mettre en évidence que :
- la Belgique
est le seul pays qui dispose de tribunaux spécialisés, les autres pays
confiant le traitement des litiges commerciaux aux juridictions civiles
ordinaires ;
- les tribunaux de commerce belges sont les seuls à jouer un rôle
actif dans la prévention des difficultés des entreprises ;
- seules l'Allemagne et la Belgique ont confié la tenue du registre du
commerce à des tribunaux.
I.
LA BELGIQUE EST LE SEUL PAYS QUI DISPOSE DE TRIBUNAUX SPECIALISES DANS
LE TRAITEMENT DES LITIGES COMMERCIAUX
1)
Les tribunaux de commerce belges
La
Belgique est le seul pays à disposer de juridictions spéciales :
les tribunaux de commerce. Toutefois, à la différence des tribunaux de
commerce français, les tribunaux de commerce belges ne comportent pas
que des juges consulaires. Ils ont une composition " échevinée "
puisqu'ils sont présidés par un magistrat professionnel. Les juges
consulaires, nommés par le Roi, sont rémunérés.
Les fonctions de juge consulaire sont incompatibles avec un mandat
public électif ainsi qu'avec toute fonction ou charge publique rémunérée.
2)
Les juridictions civiles ordinaires des autres pays
Dans
les autres pays, ce sont les juridictions civiles qui traitent des problèmes
commerciaux, avec des particularités pour chacun d'eux.
En Allemagne,
des chambres commerciales ont été créées au sein des tribunaux régionaux.
Elles sont composées d'un magistrat professionnel, qui préside, et de
deux juges consulaires élus et non rémunérés pour leur fonction. La
création de ces chambres n'a cependant aucun caractère obligatoire. De
plus, elles ne sont saisies des litiges commerciaux que sur demande de
l'une des parties.
Les fonctions de juge consulaire sont notamment incompatibles avec
certains emplois de fonctionnaires de l'ordre judiciaire.
En Angleterre
et au Pays de Galles,
les litiges commerciaux les plus importants sont jugés par le Tribunal
de commerce, section spéciale de la Division du Banc de la Reine, qui dépend
de la Haute Cour, juridiction civile. Les juges du Tribunal de commerce
sont d'anciens avocats spécialisés dans le droit commercial. Les
litiges de moindre importance sont traités par les tribunaux de comté.
Souvent, les parties préfèrent, spontanément ou sur incitation du
juge, avoir recours à la médiation ou à l'arbitrage.
En Espagne,
ce sont les tribunaux de première instance qui sont compétents. La
valeur du litige détermine le type de procédure : orale, simplifiée
ou formelle.
En Italie,
la valeur du litige détermine la juridiction civile ordinaire compétente :
le juge de paix, le préteur ou le tribunal. Au sein du tribunal,
juridiction compétente pour les litiges les plus importants, des
sections spéciales peuvent être créées, notamment pour les litiges
relatifs aux sociétés ou à la faillite.
II.
LE ROLE DES TRIBUNAUX DANS LA PREVENTION ET LE TRAITEMENT DES
DIFFICULTES DES ENTREPRISES VARIE BEAUCOUP D'UN PAYS A L'AUTRE
1)
Seuls les tribunaux de commerce belges jouent un rôle actif dans la
prévention des difficultés des entreprises
La
Belgique est le seul pays à avoir institué la pratique du dépistage
des entreprises en difficulté.
Des chambres
d'enquête commerciale
ont été créées au sein des tribunaux de commerce. Elles identifient
les entreprises en difficulté grâce à des éléments tenus à jour au
greffe du tribunal de commerce : lettres de change ou billets à
ordre non payés, cotisations de sécurité sociale et TVA non versés...
Il n'existe aucune disposition comparable dans les autres pays étudiés.
Tout au plus peut-on signaler que le président du tribunal italien reçoit
régulièrement une liste des protêts pour défaut de paiement.
2)
Les tribunaux anglais ont un rôle beaucoup plus effacé que les
autres dans le traitement des difficultés des entreprises
Dans
tous les pays il existe, sous des appellations différentes, des procédures
permettant à des entreprises en difficulté d'obtenir de leurs créanciers
des délais de paiement, avec, à terme, l'objectif d'un redressement économique.
En cas d'échec de ces tentatives de redressement, tous les pays ont également
institué des procédures de faillite.
Cependant, les tribunaux compétents pour le traitement des difficultés
des entreprises et les missions qui leur sont confiées varient selon
les pays.
a)
Les tribunaux compétents
En
Belgique,
c'est le tribunal
de commerce
qui a l'exclusivité du traitement des difficultés des entreprises.
Dans les autres
pays, cette
mission est confiée aux tribunaux
civils. Il
s'agit des tribunaux cantonaux en Allemagne, et de la Division de la
Chancellerie de la Haute Cour ou des tribunaux de comté en Angleterre
et au Pays de Galles. Dans ces deux pays donc, la compétence revient à
d'autres tribunaux civils que ceux qui traitent l'ensemble des litiges
commerciaux.
En revanche, en Espagne et en Italie, le traitement des difficultés des
entreprises relève, tout comme l'ensemble des litiges commerciaux,
respectivement du tribunal de grande instance et du tribunal.
b)
Le rôle des tribunaux
Sauf
en Angleterre et au Pays de Galles, c'est le tribunal qui ouvre les procédures
de tentative de redressement et de faillite, et qui nomme les auxiliaires
de justice
chargés d'administrer ou de contrôler la gestion des biens du débiteur
et de liquider éventuellement les actifs.
Dans tous les pays étudiés, les auxiliaires de justice sont choisis
parmi des professionnels compétents, à moins qu'il ne s'agisse, comme
dans certaines procédures anglaises, de fonctionnaires spécialisés.
En Allemagne, en Belgique et en Italie, le tribunal contrôle soit
directement, soit par l'intermédiaire d'un juge délégué à la procédure,
la gestion des auxiliaires de justice. Il fixe leurs honoraires en
Allemagne et en Espagne.
En revanche, en Angleterre et au Pays de Galles, le tribunal
n'intervient que s'il est saisi d'une demande des actionnaires ou des créanciers.
Le tribunal belge se prononce sur l'excusabilité du failli qui lui
permet éventuellement d'obtenir sa réhabilitation.
En Espagne, c'est le tribunal qui fixe le montant de l'allocation
alimentaire versée au failli pour qu'il puisse subvenir aux besoins de
sa famille. Il détermine également la catégorie de faillite à
laquelle appartient le débiteur, ce qui amène ou non l'ouverture d'une
procédure pénale.
III.
SEULES L'ALLEMAGNE ET LA BELGIQUE ONT CONFIE LA TENUE DU REGISTRE DU
COMMERCE A DES TRIBUNAUX
Dans
tous les pays, les sociétés doivent être inscrites à ces registres
(registre du commerce en Allemagne, en Belgique et en Espagne, registre
des entreprises en Italie et registre des sociétés en Angleterre et au
Pays de Galles). En Allemagne, en Belgique et en Italie, l'inscription
est également obligatoire pour les personnes physiques exerçant une
activité commerciale et pour les entreprises individuelles. En
Angleterre et au Pays de Galles, seul l'enregistrement de l'acte
constitutif permet à une société d'acquérir la personnalité
juridique. Ces registres recueillent aussi tous les renseignements
relatifs à la vie de la société.
En Belgique, le registre
du commerce est tenu par le greffe du tribunal de commerce et en
Allemagne, par le greffe du tribunal cantonal.
Il est tenu, en Italie, par les chambres de commerce, d'industrie,
d'artisanat et d'agriculture, en Espagne, en Angleterre et au Pays de
Galles, par des services administratifs
dépendant respectivement du ministère de la Justice, et du secrétariat
d'Etat au Commerce et à l'industrie.
En Allemagne, en Espagne et en Italie, les actes constatant la création
des sociétés doivent être notariés ou authentifiés par un notaire.
De façon générale, dans ces trois pays, l'organisme chargé de la
tenue du registre, qu'il s'agisse ou non d'un tribunal, contrôle la légalité
des documents qui lui ont été remis.
La
Belgique est le seul des pays étudiés où il existe des juridictions
spécialisées dont les compétences sont similaires à celles des
tribunaux de commerce français. En effet les tribunaux de commerce
belges, tout comme leurs homologues français, non seulement sont compétents
pour le règlement des litiges commerciaux, mais sont également actifs
dans la prévention et le traitement des difficultés des entreprises.
De plus, leur greffe tient à jour le registre du commerce.
Cependant, à la différence des tribunaux de commerce français, les
tribunaux de commerce belges sont présidés par un magistrat
professionnel. De plus, leurs greffiers sont des fonctionnaires et non
pas, comme en France, des officiers publics et ministériels. |